Cinq pays, le Kenya, l’Ouganda, l’Éthiopie, la Tanzanie et la Somalie, comptent pour près d’un quart des 200 millions de femmes et de filles dans le monde qui ont subi des mutilations génitales féminines (environ 48,5 millions). Alors que la prévalence des MGF chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est de 21% au Kenya, 98% en Somalie, 65% en Éthiopie, 10% en Tanzanie et seulement 0,3% en Ouganda. Récemment, un rapport de l’UNFPA Kenya note que les communautés trans-frontalières ont souvent une prévalence plus élevée (UNFPA Kenya, 2019).
Dans les cinq pays, cinq groupes ethniques résident dans plus d’un pays (les Kikuyu, les Kuria, les Maasaï, les Pokot et les Somalis). Ils partagent des traditions et des cultures, y compris la pratique des MGF.
Un rapport de l’UNFPA de 2019 met en lumière les différences de pratiques au sein des pays d’Afrique de l’Est comme entre eux, en particulier en ce qui concerne l’âge d’excision. Dans le même temps, le rapport démontre que les groupes ethniques trans-frontaliers partagent des similitudes dans la pratique.
Par exemple, les filles de la communauté Somali en Éthiopie, au Kenya, en Somalie et au Somaliland risquent de subir l’excision à la même période de leur vie. Cependant, des différences dans les types de MGF pratiqués sont aussi observées au sein de la communauté Somali (quand le type I prévaut au Kenya, celles de type IV sont majoritaires en Somalie). (GRIGED, 2008)
Une étude de référence au Kenya commandée par le Bureau anti-MGF et l’UNICEF en 2017 avait précédemment montré l’influence des communautés frontalières sur la prévalence des MGF. L’enquête a montré qu’un nombre important de femmes vivant dans des pays limitrophes s’étaient rendues au Kenya avec une fille pour lui faire subir une MGF.
Différentes parties prenantes à l’étude ont indiqué que la pratique trans-frontalière était une réalité courante. Par exemple, les femmes mariées d’Ouganda tendent à traverser la frontière du Kenya pour subir des MGF en secret. De plus, les exciseuses du Kenya se rendent également en Ouganda pour pratiquer les MGF. (GRIGED, 2008)
Des militants du Kenya témoignent ainsi de MGF trans-frontalières dans des régions proches de la frontière tanzanienne.
“Les communautés Masaï qui vivent dans les deux pays partagent des pratiques culturelles, dont les MGF, et ont des terres et des membres de la famille des deux côtés des frontières nationales. Ils peuvent facilement déplacer les filles d’un côté ou de l’autre pour leur faire subir des MGF. Du côté de la Tanzanie, il y a aussi des Masaïs mais d’origine tanzanienne qui pratiquent également les MGF. Il y a des Masaïs (kenyans et tanzaniens) qui possèdent des terres et des maisons dans les deux pays car leurs fermes sont à la frontière. La présence d’une frontière poreuse, de familles et de foyers des deux côtés a été l’un des facteurs ayant contribué à l’augmentation des MGF trans-frontalières. La mise en œuvre de la loi sur l’interdiction des MGF au Kenya (2011) a également participé à l’augmentation des MGF trans-frontalières.” Felister Gitonga, Equality Now, Kenya. (Tobi Tingo, N., 2019)
Il en va de même pour la communauté Kuria qui vit au Kenya et en Tanzanie comme l’a avancé Natalie Robi Tingo, une militante anti-FGM au Kenya, fondatrice et directrice de Mischana Empowerment Kuria. Les communautés Kuria des districts Kuria au Kenya ainsi que les districts Serengeti et Tarime, Musoma urbain comme rural et Bunda en Tanzanie sont concernées par la pratique. L’une des stratégies principales des familles cherchant à faire leurs filles est de leur faire traverser la frontière.
Bien qu’il n’existe pas de données officielles sur le nombre de filles victimes de FGM trans-frontalières, elle rapporte que :
“Au cours des dernières années, nous avons assisté à des cas de familles planifiant les visites et à des filles étant conduites en moto pendant la nuit et tôt le matin pour subir une excision, pour ensuite être ramenées au Kenya.”
Afin de lutter efficacement contre les MGF trans-frontalières, elle insiste sur la nécessité d’impliquer des membres des communautés comme relais permettant de coordonner les efforts et interventions allant en ce sens.(Gitonga, F. Equality Now, 2019)