LES MGF  TRANSFRONTALIÈRES

Importance des liens culturels et familiaux

 

En raison de sa nature clandestine, les MGF trans-frontalières soulèvent des questions sur l’existence de réseaux qui les soutiennent.

Des preuves provenant du Burkina Faso et des pays voisins suggèrent que les responsables, au niveau central et dans les zones frontalières et les liens familiaux et culturels entre les communautés des deux côtés de la frontière favorisent la pratique de l’excision trans-frontalière.

Par exemple, dans les localités frontalières entre le Burkina Faso et le Niger, le rôle des liens familiaux semble être un point central de la pratique de l’excision trans-frontalière. Les communautés peul de Tera (côté nigérian) et celles de Falagountou (côté Burkina Faso) sont liées par des relations de parenté soutenues par des mariages endogames. Le respect des normes culturelles, y compris les MGF, est important et l’excision devient une affaire de famille: tous les membres de la famille sont solidaires pour contribuer à sa réalisation, quel que soit leur lieu de résidence. En d’autres termes, les liens parentaux servent à la fois de fondement et de couverture à la pratique trans-frontalière. Des situations similaires se rencontrent à Makalondi (Niger) et à Kantchari (Burkina Faso), où vivent des membres de la communauté Gourmantch des deux côtés de la frontière.

“Cela existe parce qu’ils ont de la famille de l’autre côté mais ils consultent les fétiches avant. Après, ils font semblant de voyager pour voir la famille de l’autre côté… Les gens pratiquent l’excision en cachette. Les rites initiatiques ne sont plus visibles’’. Groupe de discussion jeune kantchari, frontière du Burkina Faso avec le Niger.

Repenser la notion de frontière pour privilégier une approche en termes de communauté

Certain.e.s membres ont souligné l’importance de repenser la notion de frontière, à la fois en questionnant l’ancienne division territoriale héritée de la colonisation, et en gardant à l’esprit l’existence des diasporas et les flux migratoires.

Les membres ont aussi avancé que la pratique des MGF par certaines diasporas doit être considérée comme une pratique trans-frontalière bien qu’elle ne soit pas pratiquée dans un pays voisin.

‘‘Je pense qu’il faudrait aussi inclure l’Europe et les USA, maintenant qu’il n’y a plus de loi fédérale interdisant les MGF. La diaspora Dawoodi Bohras, très étendue et qui a aussi comme particularité de faire pratiquer les MGF par des membres de la communauté (notamment professionnels de santé), ne retournent pas non plus “au pays” – ce qui explique qu’elle pratique à Mayotte, au Madagascar ou à New-York…

Les divisions géographiques créées par les colonisateurs ont donné différentes nationalités à des gens qui étaient similaires en termes de langue ainsi qu’en termes de pratiques traditionnelles.

Un autre exemple sont les Indonésiens ou Malaysiens qui excisent en Australie alors que dans leurs pays la législation ne condamne pas les MGF, ils les pratiquent dans un pays où la loi les condamne.’’   Sociologue, France

Certain.e.s membres se sont plus longuement attardé.e.s sur l’intérêt de questionner les frontières artificielles et de redonner toute leur centralité aux communautés ethniques dans la lutte contre les MGF trans-frontalières

‘‘Étant donné que la documentation prouve que l’excision est une norme sociale et sa pratique est liée aux communautés et non à des territoires artificiels, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi les projets et programmes de promotion de l’abandon de l’excision ne se pensent pas autour des communautés et non pas seulement des États. Certes, les lois sont étatiques, mais ne serait-il possible de penser de façon plus holistique? Je sais que c’est compliqué, car les principaux bailleurs de fonds pensent États et logique territoriale. Dans tous les cas, la baisse de la prévalence dans les différents pays est toujours liée à des communautés spécifiques.  C’est également la réticence de certaines communautés qui maintient des pourcentages élevés d’excision dans les différents pays.’’ Professeur d’université, Guinée

“Adopter une perspective trans-frontalière sur les MGF est tout particulièrement nécessaire dans les pays ayant les mêmes communautés de part et d’autre de la frontière les séparant. Le Kenya, la Somalie et l’Ethiopie, par exemple, ont chacun une population issue de la communauté Somali (si dans l’un des pays, par exemple, la stratégie adoptée consiste à interdire les MGF dans cette communauté mais dans la suivante à promouvoir les MGF comme prétendue ‘excision islamique’ – nous sommes déjà passés par là – la communauté va traverser la frontière pour accéder au pays cautionnant l’excision; et la situation se répète si un pays rend la pratique illégale et l’autre non etc.). Le Kenya et l’Ethiopie ont aussi en commun les communautés Oromo. La Tanzanie et le Kenya, abritent, quant à eux, les Masais et les Kuria etc. En conséquence, ce sont les communautés, et non seulement les frontières, qui doivent constituer le centre de l’analyse.

Il y a peu, nous nous sommes inquiétés de la façon dont les réfugiés amenaient les filles à la périphérie des camps de Dadaab, tout cela simplement parce qu’un travail important de sensibilisation sur les MGF était réalisé dans les camps mais rien n’était fait dans ces villages.

Là où les communautés partagent des frontières, avoir une action dans les deux pays est primordial. J’ai trouvé plusieurs exemples de peuples nomades ne se souciant en rien de ces frontières artificielles et les traversant tout simplement pour exciser leurs filles comme ils iraient chercher de l’eau et des pâturages pour leur subsistance.’’ Maryam Abdikadir Sheikh, Travailleuse sociale, Kenya

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