LES MGF  TRANSFRONTALIÈRES

Focus sur les MGF trans-frontalières au Burkina Faso et Mali

 

Joséphine Wouango, anthropologue, nous a fait part de ses connaissances et de l’avancée de ses recherches sur les MGF transfrontalières entre le Burkina Faso et le Mali.

Joséphine Wouango est maitre de conférences à l’Université de Liège, en Belgique, et experte en recherche qualitative travaillant avec diverses organisations. Elle assiste actuellement l’Agence belge de développement (ENABEL) en tant qu’experte pour ses programmes de coopération bilatérale en Afrique de l’Ouest sur l’égalité des sexes, la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes. Elle apporte une perspective anthropologique pour les aider à mieux comprendre le contexte et les besoins des populations qu’ils ciblent.

“En tant qu’anthropologue, j’ai l’habitude de dire que je suis une chercheuse dont le laboratoire est situé dans les communautés.”

Au cours des dix dernières années, Joséphine a mené et dirigé des recherches principalement sur la protection de l’enfance et l’égalité de genres (travail des enfants, violences à l’encontre des enfants et l’éducation des filles), y compris un doctorat sur les politiques en matière de lutte contre le travail des enfants au Burkina Faso (2012, Université de Liège). Elle a également mené des recherches au Sénégal, au Québec et au Royaume-Uni.

“Mon expérience me permet de remettre en question l’approche, qui est parfois uniforme, des droits, de la protection et de la participation des personnes vulnérables, principalement des enfants.”

Joséphine s’est profondément impliquée dans la question des MGF lorsqu’elle a rejoint le programme du Population Council “Données sur les MGF/E : La recherche pour aider les femmes et les filles à s’épanouir » (“Evidence to FGM/C Programme : Research to help women and girls thrive”, Population Council, 1996 ), en novembre 2017.

“J’ai eu l’honneur de diriger l’étude trans-frontalière au Burkina Faso/Mali en tant que chercheuse principale. En résumé, nous avions pour objectif d’évaluer la connaissance des populations sur la loi en général, et la loi sur les MGF en particulier, de comprendre leurs motivations à poursuivre ou à abandonner cette pratique, et aussi d’analyser les pratiques clandestines des MGF, notamment le fait de traverser la frontière pour la pratiquer. 

Nous avons utilisé une méthodologie mixte qui nous a permis de rassembler des données riches sur les pratiques actuelles et, plus important encore, sur l’intention future d’exciser ou non. Mon équipe est sur le point de terminer notre rapport et nous serions heureux de partager nos conclusions finales avec les membres de la CoP lors d’un webinar par exemple.”

Les premiers pas sur le terrain

Lorsqu’elle a rejoint le programme du Population Council Joséphine s’est rendue sur le terrain, à la frontière entre le Burkina Faso et le Mali, pour effectuer une inspection du site.

“J’ai passé du temps au contrôle des frontières à cause de la paperasse. Attendre là-bas était parfois fastidieux, mais en tant qu’anthropologue, c’était une excellente occasion pour moi d’observer comment les gens étaient contrôlés de chaque côté de la frontière. Que ce soit au Burkina Faso ou au Mali, les forces de sécurité à la frontière contrôlaient les documents d’identité, rien d’autre. J’étais assise là et je me demandais :

  • Comment peut-on savoir que les femmes assises dans les bus avec les enfants sur leurs genoux ou sur leur dos ne sont pas allées au Mali pour exciser leurs filles ?
  • Si elles le font, comment pourrait-on le savoir et comment le contrôler ? “

Résultats préliminaire de l’étude transfrontalière Burkina Faso – Mali

Le constat actuel est que nous manquons d’études sur les pratiques trans-frontalières des MGF bien que cela existe au Burkina Faso. C’est l’un des défis majeurs que le gouvernement rencontre dans sa lutte acharnée contre la pratique.

Dans les résultats préliminaires de l’étude trans-frontalière Burkina Faso/Mali (2019, en cours), les participant.e.s expliquent clairement qu’il est très facile de traverser la frontière pour aller au Mali et y faire exciser sa fille sans que personne ne le sache. Officiellement, on va Mali pour rendre visite à la tante/l’oncle, pour assister à un mariage, à un baptême, aux funérailles d’un parent, mais officieusement c’est souvent pour en profiter pour exciser la fille.

“Nous avons demandé à nos participants, comment les gens se comportaient puisque l’excision est interdite au Burkina Faso. De façon récurrente, la réponse c’est : ‘ils traversent la frontière et font ça de l’autre côté’, et quelques fois aussi ils disent qu’ils ‘ font ça pendant la saison des pluies.‘ Les agents du gouvernement qui travaillent dans ces zones et que nous avons rencontrés ont exprimé leurs difficultés à agir contre cette situation.”

” Au Mali à côté, la loi ne l’interdit pas. Chez eux, c’est la sensibilisation. Donc le gars, il prend la fille ici, il traverse la frontière, il va l’exciser et il revient, tranquillement ! Voilà, donc vous voyez que c’est pas compliqué. C’est ce qu’ils font. Ils savent qu’en faisant ça ici au Burkina, si on les prend, ça va leur causer préjudice.”   Une personne ressource, Burkina Faso

“La véritable difficulté c’est la frontière parce qu’il y a beaucoup de voies d’accès et les gens ne vont jamais vous dire qu’ils vont au Mali pour exciser leurs filles. Parfois, les voisins et même les maris ne sont pas au courant, est-ce que vous comprenez ? C’est ça la difficulté au niveau de la frontière parce qu’on ne peut pas tout contrôler.”  Agent de sécurité, Mali. 

En fait, les agents de sécurité ne s’occupent pas de l’excision à la frontière. En plus, comment le feraient-ils? Ils sont déjà débordés par le contrôle des nombreuses personnes qui traversent quotidiennement la frontière des côtés, et dans un contexte sécuritaire dégradante.

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