L’IMPLICATION DES HOMMES AVEC UNE APPROCHE TRANSFORMATRICE DE GENRE POUR METTRE FIN AUX MGF

Mise en œuvre de l’approche communautaire  transformatrice  de genre (ACT) pour mettre fin aux MGF et VBG en Guinée

 

L’Approche Communautaire Transformatrice de Genre (ACT) est une approche stratégique qui vise à combattre les inégalités de genre en travaillant directement avec les communautés. Fondée sur des principes d’inclusion, de participation et de responsabilisation, L’Approche Communautaire Transformatrice de Genre cherche à autonomiser les individus et à créer des changements durables des normes sociales et les structures de pouvoir entraînant des conséquences néfastes à l’instar des Mutilations génitales féminines.

L’Approche Communautaire Transformatrice de Genre est bien plus qu’une simple intervention ponctuelle – c’est un processus de transformation profonde qui nécessite l’engagement et la coopération de tous les membres de la communauté.

Les points forts de cette approche résident dans le fait que : Avant de commencer le processus de l’ACT, il est essentiel de comprendre la communauté cible (des hommes mariés, jeunes hommes non mariés, femmes mariées, jeunes femmes non mariées), d’identifier les problèmes spécifiques liés au genre et de former une équipe compétente qui organisera des séances de dialogues avec la communauté pour sensibiliser, éduquer et engager les membres dans des discussions sur l’égalité des genres. C’est ainsi que parviendra à une réelle transformation qui vise à créer un changement concret dans la communauté en mettant en place avec les pouvoirs publics des actions et des initiatives qui remettent en question les normes et les comportements sexistes.

Selon le guide de mise en œuvre de la méthode ACT ! Approche de transformation de genre pour mettre fin aux mutilations génitales féminines et à la violence basée sur le genre, l’approche Communautaire Transformatrice de genre pour mettre fin au MGF et VBG est composée de 3 phases. Ces trois phases ont été construites, mises en œuvre et validées au cours de plusieurs cycles de recherche-action menée en Guinée à Mamou et N’Zérékoré.

La recherche-action est menée avec les personnes concernées plutôt que sur elles. La participation des personnes concernées dans le processus de recherche-action est nécessaire pour la réalisation ultérieure des changements comme le montre l’exemple de la Guinée.

  1. Cycle de l’approche communautaire transformatrice de genre

L’un des éléments importants du cycle de l’approche communautaire transformatrice de genre est la tenue des séances de dialogues communautaire.

Nous avons pu noter qu’il y avait un facteur important à prendre en compte dans la mise en place de dialogue communautaires transformateur de genre : c’est l’implication des personnes influentes dans ces communautés à l’instar des : les notables, les chefs, les autorités locales, les sages,…

Il ressort que, pour mieux impliquer les communautés y compris les hommes et les garçons, il est important d’avoir des rencontres préliminaires avec ces autorités locales et personnes influentes car cela permet que :

  • Les membres de la communauté se sentiront rassurés s’ils savent que leurs chefs ont approuvé ce projet;
  • Si les autorités ont l’impression de ne pas avoir été consultés, ils peuvent boycotter et saboter le projet;
  • Les autorités qui s’engagent à s’impliquer dans un projet peuvent contribuer considérablement à sa réussite.

 

2. Les Principes de l’approche communautaire transformatrice de genre pour mettre fin aux mutilations génitales féminines et violences basées sur le genre

L’approche communautaire transformatrice de genre repose sur le continuum de changement : Comment on créer le changement au niveau de cette approche communautaire transformatrice de genre ?

Ce changement se matérialise à travers 4 principes .

  • L’implication : impliquer c’est consulté les communautés sur le lieu, la date, la construction du contenu des sessions de dialogues communautaires à ils se sentent impliquées dans la mesure où on a partagé avec eux toutes les étapes et on a demandé leur avis pendant toute la phase préparatoire des sessions de dialogues communautaires.
  • La participation: les communautés participent en ce sens qu’elles prennent part aux discussions sur toutes ces thématiques précédemment citées; elles donnent leur avis lors de séances de dialogues, leur avis sont valorisés, pris en compte. Les communautés participent également en ce sens qu’elles identifient les défis communautaires en lien avec les problèmes identifiés (VBG, MGF, …) dans la communauté et proposent des solutions. Cette participation se manifestent à travers les engagements individuels, des engagements au niveau familial et au niveau de la communauté notamment avec les sages, les leaders et d’autres autorités administratives. En procédant ainsi, cela permet d’identifier des actions pour chaque partenaire communautaire et rendre plus concret la mise en application des séances de dialogues communautaires dans les lieux de vie.
  • L’habilitation: c’est-à-dire que les personnes vont pratiquées ce qu’elles ont appris lors des sessions de dialogues communautaire sur la socialisation, les violences de genre y compris les MGF, les droits sexuels et reproductifs… ,  dans leur famille, leurs services, leur groupement et dans la communauté tout entière.
  • L’appropriation: elle est portée par le participant et se manifeste à travers la sensibilisation par les pairs. En effet, en suivant ces quatre principes de l’approche communautaire transformatrice de genre, les communautés y compris les hommes et les garçons qui ont participé à tout le processus de déconstruction des normes sociales néfastes et des normes de genres lors des sessions de dialogues sont à même de sensibiliser au-delà de leurs communautés. C’est ce qu’on appelle l’appropriation car les personnes concernées deviennent les porteuses de la parole de changement au-delà de leur communauté.

« En tant qu’acteur communautaire, notre intervention se limite à la participation. Entre l’habitation et l’appropriation, nous devons être des accompagnateurs parce que l’habitation est portée par le participant lui-même qui prend le lead , généralement de manière naturelle. C’est à ce niveau que le participant à bien compris l’issue des sessions de dialogues communautaires sur la socialisation, les MGF, les violences de genre… , et est à même de porter un message progressif vers les personnes de son entourage et d’autres communautés voisines des évènements de la vie quotidienne ( marchés hebdomadaires, cérémonies) » Fara, intervenant webinar COP septembre 2023, L’approche communautaire transformatrice de genre.

Une fois que le participant a pu faire cette démarche à travers ces différentes phases  (implication, participation, habilitation, appropriation) on dit qu’il s’est approprié de la démarche communautaire transformatrice de genre et est un ambassadeur qui contribue à remettre en question les normes sociales et de genre néfastes pour les filles et les femmes à l’instar des MGF.

 

3. Les phases de l’approche communautaire transformatrice de genre (ACT)

a) Comment ça marche ?

L’approche ACT consiste à former des facilitateurs et facilitatrices issues des communautés concernées qui vont animer des sessions de dialogues en non-mixité de genre et de génération (afin de favoriser les discussions) qui vont discuter les rapports entre hommes et femmes, la manière dont on a été socialisé, les questions de sexualité, de plaisir (pour faire le lien avec l’impact des MGF), les droits sexuels et reproductifs, les violences basées sur le genre. Les sessions de dialogues se réalisent tous les 15 jours. Pendant cette période, les participant.e.s sont invité.e.s à parler avec au moins 5 personnes de leur quartier pour disséminer les messages et ainsi avoir un impact sur la communauté.

Une fois les 7 sessions de dialogues terminées, les 4 groupes sont invités à se regrouper, à se mélanger pour partager ce qui a été facile, difficile pendant les sessions, ce que cela a changé au niveau individuel, dans leur famille ou dans leur communauté. Les participant.e.s préparent ensemble des messages importants à transmettre aux autorités locales et une journée de restitution est organisé avec les autorités où ce sont les participant.e.s qui prennent la parole. Les autorités sont invitées à donner également leur engagement puisque certaines actions et recommandations sont au niveau institutionnel.

Les résultats des activités sont ensuite partagés au niveau national lors des réunions de coordination de la plateforme nationale de lutte pour l’abandon des MGF et des VBG afin de favoriser le scaling-up de l’approche.

Les 3 phases de l’approche ACT :

– Phase 1 : Cycle de 7 séances de dialogues communautaires avec 4 groupes différents (8 hommes mariés, 8 jeunes hommes non mariés, 8 femmes mariées, 8 jeunes femmes non mariées)

Phase 2 : Journées d’échanges entre les différents groupes en mixité de sexes et de générations avec les 4 groupes mélangés (1 jour) et l’organisation d’un atelier de restitution avec les acteurs locaux clés (1 jour)

– Phase 3 : Atelier de restitution national

b) Contenu thématique des séances de dialogues communautaires

Les 7 sessions de dialogue communautaires de la phase 1 de l’approche ACT abordent les thématiques suivantes :

  • Session 1: C’est quoi un homme, C’est quoi une femme (différence entre sexe et genre)
  • Session 2: Comment on est socialisé, quel rôle on attend de nous
  • Session 3: Sexualité, Planification familiale, Hygiène intime
  • Session 4: Excision et sexualité, notion de plaisir
  • Session 5: Les droits sexuels et reproductifs
  • Session 6: Les violences de genre
  • Session 7: Comment prévenir la violence : la gestion des émotions, le dialogue

c)  Animer les séances de dialogues communautaires 

d) Quelques balises des sessions de dialogues communautaires Transformateurs de genre pour mettre fin aux mutilations génitales féminines et violences basées sur le genre

4. Une fois tous les thèmes abordés lors des sessions de dialogues que se passe-t-il par la suite ?

Une fois tous les thèmes des sessions de dialogues communautaires achevés, deux grandes journées de dialogue sont organisées. Une avec tous les membres de la communauté ayant participé au processus de dialogues communautaire (1) et une autre visant à restituer les résultats préliminaires au niveau local (2).

a) Organisation de la journée de dialogue entre genre

Cette journée :

  • Sert d’espace pour faciliter d’abord la rencontre et le partage d’expérience entre les participants/participantes aux sessions dialogues ;
  • Elle permet ensuite de présenter les changements opérés au niveau individuel et dans l’environnement proche des participants/participantes aux sessions de dialogues ; chaque groupe prend la parole et partage ce qu’il a appris des autres groupes. C’est également un moyen d’initier et de favoriser les dialogues genre où hommes, femme, garçons, filles discutent des représentations genrées au sein de la communauté ;
  • Elle permet enfin de présenter et de s’accorder sur les demandes/recommandations qui seront adressées aux partenaires communautaires (l’autorité locale et administrative, leaders religieux, sécurité…) lors de la journée de restitution des résultats préliminaires. Chaque groupe formule ainsi des demandes et des recommandations aux autorités locales, leaders religieux, enseignants.

b)  La journée de restitution des résultats préliminaires au niveau local

Cette journée a pour objectifs de :

  • Restituer les effets préliminaires des sessions de dialogue au niveau individuel et dans l’environnement proche des participants aux sessions de dialogues ;
  • Présenter aux autorités, les engagements et des recommandations des participants aux sessions de dialogues ;
  • Présenter le bilan du projet aux acteurs clé au niveau central;
  • Présenter les léçons apprises;
  • Partager les bonnes pratiques;

Elle s‘adresse aux autorités locales et administratives; autorités sectorielles (Santé, justice, sécurité, religieux, éducation, médias, leaders des groupement et association…), tous les acteurs intervenants sur les questions de VBG et MGF sont conviés.

5. Facteurs de succès et facteurs limitant de l’approche communautaire transformatrice de genre

a) Facteurs de succès de l’approche communautaire transformatrice de genre

  • Avec l’Approche communautaire transformatrice de genre, on n’aborde la question des Mutilations Génitales Féminines (MGF) et violences basées sur le genre qu’après avoir compris la différence entre sexe et genre, avoir pris conscience de comment on était socialisé en tant que garçon et fille…on reprend donc à la racine, la base des inégalités de pouvoir.
  • Des Conversations communautaires avec une méthode d’éducation populaire: avec l’approche communautaire transformatrice de genre on fait appel à l’intelligence collective, autonomisation, méthode participative
  • Un Cadre « safe » qui libère la parole et assure une sécurité: groupe non mixte (âge, sexe), non jugement, possible de parler de sexualité sans tabou
  • Avec l’approche communautaire transformatrice de genre on met en évidence des opérateurs qui connaissent bien la région, l’approche communautaire, les violences basées sur le genre y compris les MGF
  • Des autorités régionales et locales très soutenantes et impliquées

b) Facteurs limitants de l’approche communautaire transformatrice de genre

  • Beaucoup de personnes encore attachées aux croyances dans les esprits, sorcellerie en Guinée forestière avec des personnes qui craignent d’avoir un mauvais sort s’ils arrêtent l’excision.
  • Durée de l’approche: pour des projets de courte durée (3-4 mois) cette approche n’est pas recommandée.

L’approche ACT doit être accompagnée d’une approche intersectorielle globale (santé, justice, police, éducation, arts). Une approche de genre et une déconstruction des stéréotypes doivent avoir lieu à tous les niveaux de prise de décision. Le genre est une question transversale qui touche tous les ministères et tous les niveaux de responsabilité gouvernementale. Il s’agit d’une décision politique, d’un choix sociétal, qui ne peut pas être laissé uniquement à la responsabilité individuelle. Ainsi, si les actes de mutilations génitales féminines restent impunis, si les femmes victimes de violence domestique ne sont pas entendues dans les commissariats, si une veuve est contrainte d’épouser le frère de son mari décédé, si l’éducation des garçons est priorisée, il sera très difficile de changer le cadre de référence et les inégalités entre les hommes et les femmes qui sont à l’origine de la violence basée sur le genre.