L’IMPLICATION DES HOMMES AVEC UNE APPROCHE TRANSFORMATRICE DE GENRE POUR METTRE FIN AUX MGF

Contenu thématique des sessions de dialogue communautaires dans le cadre de l’approche communautaire transformatrice de genre : que retenir des échanges au sein de la COP MGF ?

 

L’un des éléments importants de l’approche communautaire transformatrice de genre est la tenue des séances de dialogues communautaire. En effet, Les sessions de dialogues constituent la première phase de l’approche communautaire transformatrice de genre.

Pour rappel, l’approche communautaire transformatrice de genre consiste à former des facilitateurs et facilitatrices issues des communautés concernées qui vont animer des sessions de dialogues en non-mixité de genre et de génération (afin de favoriser les discussions) qui vont discuter les rapports entre hommes et femmes, la manière dont on a été socialisé, les questions de sexualité, de plaisir (pour faire le lien avec l’impact des MGF), les droits sexuels et reproductifs, les violences basées sur le genre. Les sessions de dialogues se réalisent tous les 15 jours.

Pendant cette période, les participant.e.s sont invité.e.s à parler avec au moins 5 personnes de leur quartier pour disséminer les messages et ainsi avoir un impact sur la communauté. Une fois les 7 sessions de dialogues terminées, les 4 groupes (8 femmes mariées ,8 hommes mariés, 8 jeunes femmes non mariées, 8 jeunes hommes non mariés )sont invités à se regrouper, à se mélanger pour partager ce qui a été facile, difficile pendant les sessions, ce que cela a changé au niveau individuel, dans leur famille ou dans leur communauté.

 Les sessions de dialogue communautaires s’articulent pendant 7 séances autour des thèmes suivant:

  • Session 1 : C’est quoi un homme, C’est quoi une femme (différence entre sexe et genre)
  • Session 2 : Comment on est socialisé, quel rôle on attend de nous
  • Session 3 : Sexualité, Planification familiale, Hygiène intime
  • Session 4 : Excision et sexualité, notion de plaisir
  • Session 5 : Les droits sexuels et reproductifs
  • Session 6 : Les violences de genre
  • Session 7 : Comment prévenir la violence : la gestion des émotions, le dialogue

Si tous les membres se sont accordés sur l’importance de ces sessions de dialogues communautaires comme moyen de requestionner les normes sociales et de genre, nous avons pu noter certaines hésitations de la part de certain membre d’aborder la thématique de « Excision et sexualité, notion de plaisir »

En effet, certains membres ont pu soulever le fait qu’en fonction du contexte dans lequel on travaille, notamment dans les communautés musulmanes, aborder la sexualité et le plaisir étaient un réel défi car les hommes et les femmes ne sont pas encore prêts à échanger sur la sexualité en public : « Par rapport au contenu thématique de ces dialogues, je suis d’accord d’inclure les thématiques sauf le thème relatif au plaisir. Etant dans une communauté islamique où de tels sujets ne peuvent pas encore être débattues ouvertement. J’estime que ces questions taboues dans nos sociétés peuvent pour l’instant être laisser jusqu’à ce qu’elles soient acceptées et que le terrain soit propice au débat. » membre de la COP Sénégal, approche ACT, 2023.

Face à ces défis d’autres membres ont partagé leur méthodologie afin pour pouvoir aborder la sexualité et le plaisir. En effet, il a été soulevé la nécessité de préparer les esprits à accepter que la sexualité puisse être évoquée en dehors du contexte maritale. Parler de la sexualité et du plaisir reste sensible pour dans certaines communautés musulmanes, il faut développer une méthode qui répondent aux besoins et attentes de celle-ci.

Au cours des échanges les membres de la COP ont mis en évidence que le débat sur la sexualité n’est pas propre à une seule communauté mais dans la plupart des sociétés africaines. Il a été soulevé qu’une des méthodes à adoptée dans un premier temps serait de planifier cette séance à la fin et de prendre le soin que ces échanges aient lieu entre des personnes de même sexe en respect de la discrétion et de la pudeur que revêt le sujet.

 « La question du plaisir dans le contexte des communautés musulmanes est tout à fait discutable. Elle ne nécessite d’être mise en scène que dans le contexte du mariage et, évidemment, après avoir averti les membres de la communauté et s’être lié avec eux, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’un sujet à aborder dès le premier jour. Nous l’avons toujours abordé vers la fin. S’il s’agissait d’un groupe de femmes, les animatrices étaient des femmes et vice versa pour les hommes. Les mutilations génitales féminines étant pratiquées à des fins de contrôle (au nom de la chasteté, de la modestie, etc.), il était indispensable de parler du droit au plaisir et à la jouissance de la sexualité.), parler du droit au plaisir et à la jouissance de la sexualité était un sujet incontournable, car c’est un droit que les femmes musulmanes ont. Comme je l’ai déjà dit, le seul cavalier est d’en parler dans le contexte du mariage. » membre de la COP Sénégal, approche ACT, 2023.

 Cependant cette question du tabou de la sexualité et du plaisir dans certaines communautés musulmane reste mitigée et ne fait pas l’unanimité : « Le groupe était constitué d’hommes autour de la 30aines, d’origine différente et majoritairement musulman. Il se fait que des sujets en lien avec la sexualité était fortement demandés par les participants. De mémoire, nous n’avons pas lancé la discussion mais ce sont les participants qui sont arrivés à ces questions-là que nous avons ensuite traité et donné la place de discussion nécessaire.  Je constate la même chose du côté de l’atelier communautaire des femmes, que nous menons en ce moment, avec point central de discussion “la sexualité satisfaisante”.   Notre expérience a montré que ce sujet est d’un grand intérêt auprès du public concerné. Un sujet qui ne s’épuise pas à être traité » membre de la COP Belgique, approche ACT, 2023.

Que retenir de ce débat : Quelques méthodes qui peuvent aider à stimuler la discussion autour de la sexualité et du plaisir avec les hommes selon Seydou Niang (formateur et membre de la COP MGF)

Comme nous le savons, dans toutes les sociétés, parler de sexe surtout en public, n’est pas quelque chose de facile. Même dans les zones où l’espace public est hyper sexualisé visuellement quand il s’agit de mettre des mots pour conscientiser, exprimer les ressentis, communiquer autour des problèmes qui y sont liés ou même du bien-être sexuel, devient plus difficile. Cela s’explique partout par la manière dont la sexualité est liée à l’intime de chaque individu mais aussi par les enseignements culturels, religieux qui ont tendance à associer la sexualité à quelque chose de sale, au péché, etc. Là où elle est permise, elle est souvent associée à sa fonction de reproduction, l’aspect plaisir étant l’œuvre du diable dont il faut se préserver.

Néanmoins le sujet n’est pas aussi tabou qu’on le pense dans plusieurs communautés  « J’ai l’habitude de dire qu’il est simplement codé, il faut savoir le décoder dans le respect des sensibilités des communautés ». Cela est vrai dans bon nombres de communautés en Afrique. La preuve ; il est très rare de suivre une discussion informelle d’un groupe (surtout s’il est composé uniquement d’hommes) pendant une heure sans que le sexe ne s’impose dans la discussion. Il se peut que cela ne soit pas très approfondi mais c’est un baromètre qui montre qu’il est possible d’aborder la sexualité en public avec les hommes.

Comme pour tout sujet qu’on souhaite aborder avec un groupe donné il est préférable de faire en sorte que ce soit le groupe lui-même qui l’introduise. Même si en général c’est nous qui jugeons important que le sujet soit discuté et pas nécessairement un besoin émis par le groupe lui-même dans un premier temps. L’implication des hommes dans le processus d’abandon des MGF dans des communautés où le plus souvent les relations de genre normées sont la règle, ne pouvant se faire sans parler de sexualité est une parfaite illustration.

Il y a quelques conseils généraux qui font référence à des compétences d’animation.

  • Se sentir soi-même à l’aise d’aborder le sujet (si nous ne sommes pas à l’aise cela transparaît dans le non-verbal et risque de renforcer le sentiment de gêne des participants)
  • Utiliser de l’humour (cela décrispe et apporte de la légèreté)-dédiaboliser le sexe
  • Focaliser l’importance d’aborder le sujet sur le bien-être du groupe (si groupe fermé) -Donner du temps et de l’espace pour permettre au groupe de remettre en question le poids des attentes socio culturelles en leur qualité d’hommes
  • Préparer des affirmations sur le sujet et demander si les participants sont d’accord ou pas (cela met de la distance et il est plus facile de se lancer et apporter un avis sur « ce que font les autres »)
  • Se renseigner sur comment le sujet est abordé dans la communauté et utiliser ces canaux dans un premier temps (connaître les codes, les images et expressions)
  • Oser partager son cheminement personnel avant d’arriver à l’aisance d’aborder le sujet (il y a certainement un moment où nous étions nous même gêné par le sujet en lien avec notre éducation)
  • Avoir une figure masculine dans la facilitation et dans la mesure du possible le faire en duo (homme –femme) -On doit malheureusement avant d’arriver au stade souhaité s’appuyer sur les inégalités pour fixer les participants et pouvoir effectuer le travail de changement voulu, nier cette évidence c’est freiner ses propres efforts.
  • L’explication des MGF peut être une porte d’entrée très efficace pour aborder la sexualité (mais surtout la communication entre partenaires). Beaucoup d’hommes ont peu de connaissances sur le sujet, en l’abordant de manière participative on capte leur attention ; on ne peut parler de MGF sans parler de sexe et de sexualité

Inviter les participants à réfléchir sur les notions de désir et de plaisir sexuel (possible de le faire avec des exercices ludiques). On peut aussi partir d’une question plus simple sur ce qui communément attendu dans une relation sexuelle-la procréation puis demander si cela peut s’accompagner du plaisir ? S’il est accepté de l’exprimer ? Si oui comment ?….S’armer de petites questions de relance