Loi & MGF

Cadre législatif sur les MGF

 

Les outils légaux internationaux sur les MGF

 

Les MGF sont mondialement reconnues comme une pratique contraire aux droits humains. De nombreuses conventions et déclarations internationales forment le cadre légal de protection et de promotion des droits humains des femmes et des filles, et sont pertinentes pour les MGF :

  • Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH)
  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
  • Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
  • Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
  • Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants
  • Convention pour les droits des enfants (CRC)

Selon le Comité Droits humains de l’ONU, « les MGF/E constituent un traitement cruel, inhumain ou dégradant opposée à la prohibition générale de la torture ». (28 Too Many, 2018)

Ainsi, les gouvernements nationaux ont l’obligation internationale d’adopter :

« des mesures efficaces et appropriées afin de mettre fin aux pratiques traditionnelles néfastes qui affectent les enfants, en particulier les filles, y compris le mariage précoce et les MGF, ainsi que de prévenir que les tiers (incluant les prestataires de soins médicaux) puissent  contraindre des femmes de se soumettre à des pratiques traditionnelles, tels que les MGF/E. » (28 Too Many, 2018)

De plus, la crainte de MGF dans son pays d’origine est un motif de protection internationale (asile) selon la Convention de Genève relative au statut des réfugiés de 1951.

Voici les idées principales qui ont émergées lors de la discussion sur les MGF trans-frontalières :

  • Repenser et questionner la notion de ‘‘frontière’’. De nombreux.euses membres ont insisté sur l’omniprésence de frontières ‘‘artificielles’’ en Afrique, marques des divisions héritées de la colonisation et clés d’explication fondamentales des MGF trans-frontalières.
  • Ne plus penser seulement en termes de frontières et d’Etats pour privilégier une approche en termes de communautés vivant et partageant une culture et des traditions dépassant les frontières. De ce fait, franchir une frontière ne se traduit pas automatiquement par le sentiment d’être étranger dans le pays de destination. Une coopération et collaboration accrues s’imposent ainsi comme nécessaires entre les pays abritant les mêmes communautés.
  • Introduire des contrôles aux frontières ne semble être une solution ni efficace ni éthique pour contrer les MGF trans-frontalières.
  • Ne prendre en compte que l’existence ou l’absence de législation est insuffisant dans le cadre des MGF trans-frontalières. Il est nécessaire de considérer également l’efficacité de l’application et du contrôle des lois.
  • Prendre en considération les diasporas et flux migratoires qui rendent la notion de frontières obsolète sur la question des MGF. En effet, certaines communautés continuent de perpétrer la pratique au sein même de leur pays d’accueil, et ce bien qu’elle y soit illégale.
  • Informer et soutenir les activistes de terrain en lien direct avec les communautés, particulièrement dans les régions où ils subissent une forte répression.
 

Instruments juridiques régionaux sur les MGF

Des obligations juridiques spécifiques existent pour le continent africain :

  • Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples (art 18)
  • Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (art 21)
  • Protocole de Maputo (Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, art 5).

Le Protocole de Maputo (The Protocol to the African Charter on Human and Peoples Rights on the Rights of Women in Africa) oblige les États africains à adopter des lois contre les MGF (ainsi que d’autres pratiques néfastes qui nuisent aux droits fondamentaux des femmes), mais aussi d’autres mesures comme la sensibilisation publique sur les MGF dans tous les secteurs de la société au travers de programmes d’information, éducation, sensibilisation, assurer aux survivantes le soutien dont elles ont besoin (l’accès aux soins de santé, soutien légal et judiciaire, conseil psychologique et émotionnel, formation professionnelle) et la protection des femmes à risque (art.5, Maputo)

« Ratifier le Protocole oblige l’Etat à respecter, protéger, promouvoir et remplir les droits. L’article 5 du Protocole de Maputo exprime clairement que les Etats ont l’obligation d’interdire ‘au travers des mesures législatives soutenues par des sanctions, toutes les formes de mutilations génitales féminines, scarification, médicalisation et para-médicalisation des MGF et toute autre pratique afin de les éliminer.’ »

Europe

Dans la région européenne, les MGF sont considérées comme une violation de plusieurs traités et conventions :

  • Convention européenne des Droits de l’Homme
  • Directive de l’UE sur les droits des victimes
  • Convention d’Istanbul (du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique)

La Convention d’Istanbul a reconnu l’existence des MGF en Europe et la nécessité de s’attaquer systématiquement à la pratique et à sa prévention. Les poursuites sont l’un des « quatre principes fondamentaux » (4 Ps) de la Convention. Il s’agit de poursuivre les contrevenants qui soumettent (ou essaient de soumettre) une femme ou une fille à une MGF.

Ainsi, tous les États qui adhèrent à ces instruments internationaux sont tenus d’empêcher les MGF et de protéger les femmes et les filles de cette pratique.

L’une des obligations essentielles consiste à mettre en place des mesures législatives pour interdire les MGF. Toutefois, comme la plupart d’entre eux sont des exemples de «soft law», ils ne sont pas juridiquement contraignants.

 

Quels pays ont des lois contre les MGF?

Plusieurs pays à forte prévalence de MGF, ainsi que des pays à faible prévalence comptant d’importantes populations originaires de pays où les MGF sont pratiquées, ont adopté des lois nationales anti-MGF.

Le premier pays au monde à adopter une loi nationale était la Guinée Conakry, en 1965.

 

Régions à prévalence élevée

 

Afrique

Les sanctions juridiques constituent « de loin la réponse la plus courante adoptée par les gouvernements africains pour lutter contre les MGF/E ». (Nabaneh S. and Muula S. A., 2019)

L’ONG 28 Too Many a publié, en 2018, un rapport identifiant la législation en vigueur relative aux MGF dans chacun des 28 pays africains où la pratique subsiste. L’objectif du rapport est d’examiner comment le contenu des lois, ainsi que leur mise en œuvre et leur application, pourraient être améliorés afin de contribuer à la réduction et finalement à l’élimination des MGF. L’ONG a également publié 29 rapports de pays. (Aha Foundation, 2019)

Sur les 28 pays d’Afrique où les MGF sont pratiquées, 22 ont une législation nationale criminalisant les MGF – soit par le biais de lois spécifiques anti-MGF, soit dans le cadre de codes pénaux ou d’autres formes de législation.

Toutefois, selon l’ONG, la législation ne protège actuellement pas les femmes et les filles contre les MGF dans la plupart de ces pays africains, car les lois sont rarement implémentées et les poursuites engagées sont rares.

De plus, 6 pays sont actuellement sans lois, ce qui signifie que les MGF sont toujours légales :

  • Tchad
  • Libéria
  • Mali
  • Sierra Leone
  • Somalie (les MGF sont mentionnées dans la Constitution mais il n’y a pas de législation nationale)
  • Soudan

Néanmoins, en 2018, 5 pays sur 6 avaient soit un projet de loi en attente d’adoption, soit une intention exprimée d’adopter une loi interdisant les MGF.

28 Too Many souligne que ces 6 pays ont signé des traités internationaux et régionaux les obligeant à mettre en place une législation et des mesures contre les MGF. Néanmoins, l’ONG n’a trouvé aucun exemple d’Etat formellement mis en cause pour ne pas avoir adopté ou implémenté une législation nationale anti-MGF (que ce soit par les institutions internationales, africaines ou par les citoyen.ne.s) (Aha Foundation, 2019)

Asie et Moyen-Orient

Il n’y a pas de loi contre les MGF en Malaisie (Aha Foundation, 2019). De même, en Inde, où les MGF sont traditionnellement pratiquées par plusieurs sectes et sont particulièrement courantes parmi les Bohras, il n’existe actuellement aucune législation.

Les MGF sont interdites dans la région autonome kurde de l’Irak mais sont toujours légales dans le reste du pays. Il n’existe pas non plus de loi spécifique sur les MGF en Iran, bien que le Code pénal islamique interdit les mutilations corporelles et pourrait être utilisé pour lutter contre les MGF. (Berer  M., 2015, )

L’Indonésie avait interdit la pratique des MGF par les professionnel.le.s de santé. Toutefois, l’interdiction a été abrogée en 2010 en raison de l’opposition du plus haut organe consultatif islamique indonésien. Un nouveau règlement concernant les MGF a été adopté par le ministère de la Santé, autorisant les médecins, sages-femmes et autres infirmièr.e.s à pratiquer une MGF de type I.b ou IV “sans nuire au clitoris”.

 

Régions à faible prévalence

Les MGF sont interdites dans les 27 États membres de l’Union européenne (UE), ainsi que dans d’autres pays d’Europe. Elles sont également criminalisées aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Certains pays ont des lois criminalisant spécifiquement les MGF, tandis que d’autres engagent des poursuites dans le cadre du droit pénal en vigueur (lésions corporelles, mutilations, prélèvements d’organes/tissus corporels).

Les lois sur la protection de l’enfance sont applicables aux MGF en Europe, qui sont considérées comme une forme de maltraitance. Aux États-Unis, les MGF sont illégales dans tous les États, soit par des lois ciblées contre ces pratiques (33 États), soit par des lois générales contre la maltraitance et l’agression. Jusqu’à ce jour, peu de poursuites ont été engagées dans les pays à faible prévalence. (Aha Foundation, 2019; Berer  M., 2015; Australian Human Rights Commission, 2016; Johnsdotter S. and Mestre R. M., 2015; Johnsdotter S., 2019)

 

Que disent les lois ?

Plusieurs pays africains où les MGF sont illégales ne disposent pas d’une définition claire de ce qui constitue une MGF (Cameroun, Éthiopie, Nigéria et Tanzanie). Deux pays n’interdisent la pratique des MGF que si la fille a moins de 18 ans (Mauritanie et Tanzanie). Dans 18 pays, il est illégal non seulement de pratiquer des MGF, mais aussi d’organiser et/ou de faciliter une MGF.

En outre, dans la moitié des 22 pays dotés de lois anti-MGF, une personne est légalement tenue de signaler si elle est au courant de la pratique. L’ONG affirme que tous les pays devraient élargir la responsabilité de signaler les MGF afin que les personnes qui omettent de le faire puissent être persécutées. En ce qui concerne les MGF médicalisées, elles ne sont criminalisées que dans 9 pays africains. En fait, certaines lois ont des lacunes, rendant les MGF pratiquées par des professionnel.le.s de la santé possibles (ex-Égypte). (Aha Foundation, 2019)

Les peines encourues pour les MGF varient d’un pays à l’autre, de l’emprisonnement de quelques mois, aux amendes, à une peine de prison à vie. Le Cameroun (20 ans) et la Tanzanie (15 ans) sont les pays d’Afrique où la peine d’emprisonnement maximale est la plus longue. Le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Kenya ont les amendes les plus lourdes. L’Éthiopie, la Guinée Conakry, le Niger et le Soudan sont les pays où les sanctions sont les moins lourdes. (Aha Foundation, 2019)

En Europe et dans d’autres régions à faible prévalence, les filles de communautés concernées sont considérées comme étant particulièrement exposées au risque lorsqu’elles se rendent dans leur pays d’origine ou celui de leurs parents. Ainsi, la plupart des pays européens, ainsi que l’Australie et certains États américains, ont un «principe d’extraterritorialité» dans leur législation, ce qui signifie qu’il est possible de poursuivre en justice les actes de MGF commis hors des frontières d’un pays. L’application du principe diffère d’un pays à l’autre : l’auteur.e de l’infraction ou/et la victime doivent souvent être citoyen.ne.s ou résident.e.s du pays concerné. Dans certains cas, les MGF doivent également être illégales dans le pays où elles ont eu lieu. (Johnsdotter S., 2019)

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