Changement climatique et MGF: que font les organisations internationales ?
Le lien entre le changement climatique et les MGF attire de plus en plus l’attention des organisations internationales. Des institutions telles que l’UNICEF, l’UNFPA, la Banque mondiale et d’autres acteurs mondiaux reconnaissent l’impact profond du changement climatique sur les droits et le bien-être des femmes et des filles. Les crises environnementales aggravent les vulnérabilités économiques et sociales, augmentant ainsi le risque de pratiques néfastes comme les MGF. Cet article explore les efforts des organisations internationales pour répondre à cette intersection et développer des interventions sensibles au climat afin de protéger les filles à risque.
UNFPA : le changement climatique, un frein à l’élimination des MGF
En février 2022, l’UNFPA a mis en lumière comment les sécheresses sévères au Kenya ont perturbé les efforts d’élimination des MGF, soulignant la nécessité de stratégies de prévention capables de s’adapter aux défis liés au climat. La sécheresse plonge les familles dans une détresse économique accrue, les amenant à recourir à des pratiques néfastes comme les MGF et le mariage des enfants en tant que mécanismes de survie.
La sécheresse en cours au Kenya a touché 23 des 47 comtés du pays, dont 14 sont considérés comme des zones à forte prévalence de MGF, atteignant jusqu’à 97,5 % (contre une moyenne nationale de 21 %). En réponse, l’UNFPA a renforcé son soutien à des partenaires tels que I-Rep Foundation et World Vision Kenya afin de consolider les initiatives de lutte contre les MGF dans ces zones à haut risque, en veillant à ce que des stratégies sensibles au climat soient intégrées aux efforts de protection des filles.
UNICEF : tendances alarmantes dans la Corne de l’Afrique
L’UNICEF a également exprimé ses préoccupations quant à l’impact croissant du changement climatique sur les pratiques néfastes comme les MGF. En 2022, un communiqué de presse de l’UNICEF a alerté sur le fait que la pire sécheresse depuis 40 ans poussait les familles de la Corne de l’Afrique au bord du gouffre, entraînant une forte augmentation des mariages d’enfants et des MGF.
Dans les régions les plus touchées d’Éthiopie, les taux de mariage des enfants ont plus que doublé en un an. Parallèlement, en Éthiopie, au Kenya et en Somalie, le nombre d’enfants risquant d’abandonner l’école a triplé en trois mois, rendant les adolescentes encore plus vulnérables aux pratiques néfastes. L’UNICEF avertit que l’ampleur réelle de la crise est probablement bien plus importante que les chiffres officiels, en raison du manque d’infrastructures spécialisées pour documenter les cas. Le manque de données sur les MGF et le mariage des enfants obscurcit davantage l’impact réel des crises climatiques sur les filles.
Conscient de ces tendances, l’UNICEF et l’Agence norvégienne pour le développement (Norad) ont organisé en juin 2023 une réunion technique intitulée Répondre aux mutilations génitales féminines face au changement climatique, dirigée par le Groupe de travail des donateurs sur les MGF, afin de discuter des solutions pour lutter contre les MGF dans le contexte du changement climatique. Lors de cette réunion, quatre principales recommandations pour répondre aux impacts du changement climatique sur les VBG et les MGF en contexte humanitaire ont été mises en avant.
- Politique : Influencer les politiques climatiques et accéder aux financements liés au changement climatique pour soutenir la prévention et la réponse aux VBG.
- Investissement : Augmenter les investissements dans le renforcement des systèmes et le soutien aux organisations et groupes de femmes.
- Atténuation des risques : Intégrer des mesures de réduction des risques de VBG dans l’action climatique et garantir l’accès à l’éducation des filles ainsi qu’à des moyens de subsistance adaptés.
- Réponse : Assurer des services complets et sécurisés pour les survivant·es touché·es par des crises liées au climat.
L’Initiative Spotlight des Nations Unies : Changement climatique et violences basées sur le genre
L’Initiative Spotlight des Nations Unies, qui vise à éliminer les violences faites aux femmes et aux filles, a examiné comment le changement climatique aggrave les violences basées sur le genre (VBG), y compris les MGF. Leurs conclusions mettent en avant des stratégies clés pour garantir un avenir plus équitable et durable :
- Garantir l’accès des femmes aux ressources naturelles et leur contrôle sur celles-ci.
- Intégrer les femmes et les filles dans les plans de relèvement après des catastrophes.
- Impliquer les femmes et les filles dans le leadership et la prise de décision en matière environnementale.
La Banque mondiale : reconnaître les violences basées sur le genre comme un enjeu climatique et de développement
La Banque mondiale reconnaît que ne pas lutter contre le changement climatique et les violences basées sur le genre peut perpétuer des cycles de violence, ralentir le développement et affaiblir la résilience des communautés. Pour y remédier, l’institution met l’accent sur :
- Le soutien aux programmes qui autonomisent les femmes, réduisent les violences basées sur le genre et renforcent la résilience climatique inclusive.
- L’intégration de l’égalité de genre dans les rapports sur le climat et le développement.
- L’investissement dans la recherche, le renforcement des capacités et l’influence des politiques pour relier l’action climatique à la justice de genre.
D’autres organisations en action
D’autres organisations mondiales, telles que Women Deliver et Social Development Direct, reconnaissent également l’impact du changement climatique sur la santé et les droits sexuels et reproductifs (SDSR) ainsi que sur les violences basées sur le genre (VBG), et ont proposé des actions clés pour répondre aux conséquences :
- Concevoir des programmes avec les femmes pour renforcer leur résilience climatique.
- Garantir une participation inclusive et équilibrée en matière de genre dans les politiques climatiques.
- Intégrer la réduction des risques liés aux VBG dans toutes les interventions humanitaires.
- Augmenter le financement des organisations de défense des droits des femmes, qui sont les premières à intervenir en cas de crise mais restent chroniquement sous-financées.
- Investir dans la recherche sur le changement climatique, les MGF et les VBG afin de combler les lacunes en matière de données.
- Renforcer la collaboration entre les secteurs du climat, de la santé et des droits des femmes pour adopter une approche intersectionnelle.