En 2021, une femme de 21 ans a été reconnue coupable au Portugal pour avoir fait subir à sa petite fille une MGF de type IV lors d’un voyage en Guinée Bissau en 2019. Au moment des faits, la fillette avait un an et demi. La femme a été initialement condamnée à trois ans d’emprisonnement. Cependant, elle et son avocat ont fait appel de la condamnation.
Après le procès, le réseau européen End FGM Network a d’ailleurs publié une déclaration soulignant la disproportion de la condamnation à 3 ans de prison d’une femme qui n’avait que 19 ans au moment du crime et qui est elle-même survivante de l’excision. Le contenu de la déclaration a servi de base aux allégations de l’avocat de la défense, fournissant un raisonnement très fort qui se reflète même dans le discours du jugement final.
“Les juges ont voulu envoyer un signal de tolérance zéro avec une première condamnation exemplaire qui aurait un effet dissuasif sur d’autres cas à l’avenir. Cependant, si l’application effective des lois est un élément important pour mettre fin aux MGF, elle ne suffit pas. Les poursuites ne constituent pas une protection égale pour les filles et les femmes soumises à l’excision. Une condamnation signifie un cas dans lequel les MGF n’ont pas été empêchées. Ces condamnations sévères, qui ne tiennent pas compte du contexte qui sous-tend la pratique, peuvent en fait dissuader les survivantes et les femmes et filles exposées aux MGF de se manifester, en leur faisant craindre les poursuites de leur famille et de leur communauté.”
Déclaration du réseau européen End FGM European Network (End FGM European Network, 22/02/2021)
En juillet 2021, la Cour d’appel de Lisbonne a donné raison à l’appel et a suspendu la peine de prison en se fondant sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Selon le juge : “L’exécution effective de la peine de trois ans de prison par la défenderesse ne manquerait pas de représenter une nouvelle punition pour sa jeune fille, déjà affaiblie par les souffrances qui lui ont été infligées, et qui a besoin de sa mère pour sa croissance”. (cité dans Público, 16/07/2021, notre traduction)
Le tribunal a pris en considération la situation spécifique de la femme, notamment son jeune âge, le fait qu’elle soit une migrante vivant au Portugal, qu’elle n’ait pas de casier judiciaire, ses conditions de vie ainsi que le fait qu’en tant que jeune femme vivant avec sa famille, elle était “incapable de surmonter la pression exercée par sa famille, se trouvant dans un contexte de grande vulnérabilité, incapable de résister aux normes sociales imposées”. (Público, 16/07/2021, notre traduction)
Les réflexions d’un.e membre sur le premier jugement au Portugal sur les MGF
Un.e membre de la CoP FGM a partagé l’expérience suivante sur la façon dont ce cas a été perçu et traité par les ONG portugaises:
“Face à la nouvelle de la condamnation d’une jeune mère à trois ans de prison en raison de l’excision pratiquée sur son jeune enfant, il y a eu un sentiment d’embarras dans les associations qui travaillent sur cette question, résultant de la lourde sentence décidée par le tribunal.
Progressivement, d’autres informations sur l’affaire ont été révélées, qui n’avaient pas été partagées dans les Infos, notamment le fait que la jeune femme a été appelée par le Centre de santé parce qu’il y avait des signes qu’elle ne prenait pas bien soin de l’enfant. Dans ce contact avec les professionnel.le.s de santé, le thème des MGF n’avait jamais été abordé.
D’autre part, nous avons également eu le sentiment que la jeune femme avait dit au tribunal qu’elle n’avait pas été soumise à la pratique. Ce n’est que lorsque sa mère vient témoigner qu’il a été clarifié que oui, la jeune femme avait été soumise à l’excision enfant. En d’autres termes, nous étions face à une jeune femme qui n’avait pas conscience de son corps et peut-être des MGF.
De plus, elle a grandi dans un environnement où les secrets sur ce sujet persistent, ce qui la rend très fragile face à l’importance de prendre position ou même de s’opposer à sa famille, surtout dans les circonstances d’un voyage qu’elle a fait seule avec sa fille.
Les organisations de la société civile ont ainsi compris qu’une certaine mobilisation était nécessaire autour de ce cas car :
- Il s’agit d’une jeune femme (devenue mère à l’âge de 17 ans) qui s’occupe seule de son enfant ;
- Elle a peu d’éducation ;
- C’est une jeune femme qui est aussi une survivante de la pratique et donc il est possible qu’elle ait assimilé des comportements de soumission à la famille et à la société ;
- Les services de santé n’ont peut-être pas réussi à gérer ce cas car la grossesse et la période post-partum ont été suivies dans ces services, sans avoir abordé la question des MGF ;
- Cette jeune femme se trouve dans la position de plusieurs intersections de vulnérabilité qui doivent être découvertes.
Les organisations de la société civile se sont mobilisées, approchant cette jeune femme pour mieux comprendre la réalité et fournir un soutien technique à l’avocat de la défense dans la rédaction de l’appel.
Cet événement a soulevé un débat sur l’importance de former les magistrats aux réalités culturelles tout en comprenant l’importance de la loi et de son application et le rôle de la société civile dans ce cadre.”