Approches transformatrices de genre

Inclure les hommes dans les programmes de lutte contre les MGF n’est pas suffisant

 

Plusieurs membres ont partagé leurs expériences de travail avec les hommes, abordant les défis et la façon dont ils peuvent être surmontés afin de s’assurer que les alliés masculins contre les MGF s’engagent pleinement dans la transformation des normes et des inégalités de genre.

 Annalisa D’Aguanno, psychologue au GAMS Belgique, a partagé son expérience de co-modération d’un atelier avec des hommes issus de communautés touchées par les MGF, qui s’est tenu toutes les deux semaines pendant 3 mois et dont l’objectif était de sensibiliser aux MGF, à la VBG en général et de réfléchir aux masculinités. Si les participants étaient convaincus de la nocivité des MGF, ils ont opposé une certaine résistance lorsque les questions des autres types de VBG et des normes de genre ont été abordées :

 “à partir du moment où on élargissait la réflexion aux violences de genre comme par exemple le mariage forcé et les violences intrafamiliales et qu’on questionnait la manière dont les petites filles et les petits garçons sont éduqués (ce qui est à la base des inégalités), nous nous sommes heurtés à des résistances.”

 Lorsqu’ils ont discuté de ce que signifie être un “homme bon” ou une ” bonne femme “, les participants ont souligné la nécessité pour les femmes d’être éduquées selon les “valeurs féminines traditionnelles” et ont résisté à la remise en question des privilèges masculins :

 “Ils ont clairement mis le doigt sur l’importance pour eux que certaines valeurs dites « féminines » soient respectées et perpétrées alors qu’ils sont contre les MGF comme notamment l’importance de la virginité, le respect donné au mari… Vous voyez où je veux en venir ?

 Une lecture qu’on peut avoir sur l’épisode c’est que l’engagement était bien présent, mais qu’ils n’étaient pas prêts à la remise en question de ces comportements genrés qui servent aux inégalités puisque de cela découlent certains de leurs privilèges. Il était impossible à ce moment du débat de pouvoir aborder la question des privilèges. Plus nous avancions dans ce sens, plus la discussion se refermait et leur position également.”

 Cette résistance à la remise en question des normes de genre a également été soulignée par Maria Väkiparta, conseillère en matière d’Égalité des Genres à la Fondation de Solidarité Internationale (Finlande), qui a partagé les résultats de sa recherche doctorale menée en Somalie :

 Dans sa recherche avec des hommes et des femmes qui s’étaient porté.e.s volontaires dans des campagnes locales contre les MGF à Hargeisa, au Somaliland, Maria a exploré la manière dont les hommes interrogés construisent discursivement les connaissances et les croyances sur le genre.

 “J’ai constaté qu’ils utilisent le ‘discours de la différence hiérarchique’ et le ‘discours de la responsabilité masculine’ pour contester certaines formes de violence à l’égard des femmes (par exemple, l’excision pharaonique), tout en en légitimant d’autres (par exemple, l’excision sunnah), et pour reproduire l’ordre patriarcal du genre. Cependant, certains signes montrent que les hommes renégocient certains éléments des normes de genre dominantes.

 Le “discours de la différence hiérarchique” place les femmes et les hommes dans des rôles et des sphères strictement séparés : les femmes dans la sphère privée et les hommes dans l’arène publique. Cette ségrégation stricte entre les sexes est présentée comme une division “équilibrée” des droits et des responsabilités et justifiée par l’Islam. Elle est également légitimée par l’accent mis sur les différences “naturelles” entre les sexes, définissant le féminin et le masculin en opposition l’un à l’autre. Dans de nombreux entretiens, le Somaliland a été présenté comme une société égalitaire entre les sexes. En outre, la ségrégation stricte entre les sexes est justifiée par la représentation de l’égalité des sexes comme un “jeu à somme nulle” : les améliorations du statut des femmes sur le marché du travail (par le biais, par exemple, de la discrimination positive) sont présentées comme discriminatoires envers les hommes.

 Le discours sur la responsabilité masculine, quant à lui, justifie la supériorité des hommes par les responsabilités substantielles qu’ils ont envers leur nation et leur famille. Le fait de souligner le rôle principal des hommes en tant que soutien de famille, de les considérer comme des “leaders naturels” et de représenter la campagne contre les MGF comme une responsabilité à la fois masculine et professionnelle est fortement alignée sur la “virilité somalienne” idéalisée qui met l’accent sur la responsabilité, la protection et le soin de la famille et du pays.”

 Maria a procédé à une analyse critique des discours utilisés par les militants anti-FGM masculins. De la même manière qu’Annalisa a partagé, elle a dévoilé comment la subordination des femmes était discursivement justifiée, normalisée et (re)produite de nombreuses manières, y compris par des personnes qui s’opposent passionnément aux MGF.

 “C’est problématique, car les MGF se produisent à cause des structures, des croyances et des valeurs patriarcales”, a déclaré Maria Väkiparta.

 Annalisa et Maria ont toutes deux partagé avoir vu des solutions à cette situation dans la mise en œuvre d’approches transformatrices de genre pour mettre fin aux MGF :

 “Les MGF doivent être discutées comme un symptôme de l’inégalité des sexes et de l’oppression, et non (seulement) comme un facteur contribuant aux problèmes de santé des femmes. Le travail de déconstruction de la supériorité des hommes peut se faire, par exemple, en aidant les participants à développer une conscience critique des constructions concernant ce qui est “naturel” et “normal”. De même, les interventions impliquant des hommes ne devraient pas s’appuyer sur des idées associées à la masculinité hégémonique, comme la force, ou le fait d’être un guerrier ou un leader, qui renforcent les idéaux masculins inéquitables sur le plan du genre.” Maria Väkiparta    

 S’exprimant depuis sa position au niveau programmatique, Annalisa a expliqué comment elle et ses collègues ont réussi à sortir de la situation bloquée avec le groupe d’hommes de l’atelier, en amenant les hommes à parler de leur propre éducation genrée et de la manière dont elle les a affectés négativement :

Nous avons fait quelques pas en arrière et sommes revenus sur la manière dont eux, en tant que petit garçon et homme, ont été élevés. « C’est quoi être un bon homme » ? Et là (le travail même des masculinités), on a entendu des choses comme « Apporter l’argent à la maison », « Protéger la famille », « Être un exemple pour les siens », « Être fort (ne pas pleurer) »… Nous avons questionné le sens de ces valeurs pour eux, la manière dont ces valeurs leurs ont été inculquées… et avons entendu qu’il y avait également de la souffrance dans leur discours dans le sens où si, ils ne se conforment pas dans ces valeurs dites «masculines », ils sont exclus, moqués, diminués, dénigrés par la communauté ce qui impacte leur estime personnelle. Certains ont confié des choses très intimes, il y a eu des pleurs, beaucoup d’empathie et d’amour lors de ces moments.

 À partir de ce moment dans le groupe, nous avons pu revenir sur la question précédente à savoir les inégalités pour en venir petit à petit aux privilèges.

 On retient de cette expérience notamment qu’à partir du moment où on est à l’écoute du ressenti personnel, à partir du moment où on donne aussi l’espace et l’écoute à la souffrance masculine, sans jugement, il est possible alors de travailler d’autres thèmes et d’en arriver aux inégalités. 

 Depuis, nous n’avons plus réitéré cette expérience, mais ce sera chose faite en 2022. J’ai hâte de voir si cette piste peut se vérifier à nouveau avec de nouveaux participants.”

 Le GAMS Belgique prévoit de nouvelles sessions avec des hommes pour déconstruire les inégalités de genre qui soutiennent les MGF, dans un futur proche.

La Fondation de Solidarité Internationale, applique une approche transformatrice de genre en intégrant les efforts de prévention des MGF dans la promotion de la résilience des moyens de subsistance des femmes et de leur statut dans la famille et la société, et vise à inclure des discussions sur les rôles et responsabilités rigides des hommes et des femmes dans tous leurs projets de la période de programme 2022-25.

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