L’intégration systématique des MGF

En Espagne : L’intégration des MGF dans des programmes d’éducation sexuelle

 

L’UNAF a mis en place des ateliers dédiés aux femmes migrantes. Sur une durée de 3 heures, les intervenant.e.s s’attachent à travailler la thématique de la sexualité suivant une approche holistique et en favorisant une méthodologie participative.

Bien que ces femmes soient souvent dans une situation de grande précarité économique et sociale, et que leurs droits sexuels et reproductifs puissent apparaître secondaires face à la nécessité de répondre à leurs besoins primaires, l’expérience montre qu’une fois lancées sur la question de leur sexualité, les femmes ne s’arrêtent plus !

Normes de genre, dictats concernant la sexualité au féminin, droits sexuels et reproductifs en Espagne … les femmes sont incitées à parler de leur corps, de leur histoire, de leur vie sexuelle. Au sein de ces ateliers où la parole est libre et encouragée, les MGF sont alors abordées comme une thématique essentielle des droits et de la santé sexuels et reproductifs.

Qu’est-ce qui a fonctionné ? Principales réussites

Les ateliers avec les femmes 

Autonomisation à travers l’information, la connaissance, l’introspection sur le corps et la sexualité, la promotion des droits sexuels et reproductifs et la prévention des violences basées sur le genre (VBG)

Favoriser dès le début des stratégies d’auto-protection, de confiance en soi et de connaissances de soi-même en tant que femme. 

En amenant dans la conversation des questions comme “Comment vous sentez-vous ? Qu’aimeriez-vous faire pour vous sentir bien ? Quelles sont vos passions ?”

L’objectif est d’essayer de connecter les femmes avec leur moi intérieur, leur confiance et leur force.   

Faciliter la réflexion sur ce que la sexualité représente pour les femmes, par la promotion du concept de sexualité en tant que qualité humaine

La sexualité est présentée comme une caractéristique innée, présente chez chaque être humain de la naissance jusqu’à la mort; notamment des aspects tels que l’interaction, le plaisir, la tendresse, les émotions, le désir et la reproduction. La sexualité comprend des dimensions biologiques et psychologiques, ainsi que sociales, en ce qu’elle est également définie par le contexte historique, social, politique et culturel dans lequel nous sommes / avons été éduqués et dans lequel nous nous insérons.

La question des droits et santé sexuels et reproductifs est aussi abordée avec les participantes.

Développer des connaissances et une prise de conscience sur les normes socioculturelles basées sur le genre qui définissent notre corps et notre sexualité en tant que femme 

La façon dont elles contrastent avec celles entourant la construction du corps et de la sexualité des hommes est aussi soulignée, en tenant compte de la manière dont ces normes ont été acquises et avec qui.

Ici, les femmes abordent des sujets tels que les menstruations, la chasteté, la virginité, la pureté, la maternité, l’obéissance, le silence, la honte, le péché, la beauté, les canons de beauté…

Donner des informations sur l’anatomie et les processus physiologiques 

Informer sur nos organes génitaux internes et externes, avec des illustrations de la vulve et du clitoris. Parler de la santé, du plaisir, du cycle reproducteur (ménarche, menstruation, grossesse, ménopause…) 

Souligner l’importance de prendre soin de soi et accorder une attention particulière aux douleurs des femmes traditionnellement considérées comme “normales” quand bien même elles ne le sont pas. Soutenir la pertinence d’aller chez le médecin quand on en a besoin.

Fournir des informations sur nos droits en Espagne

Sont tout particulièrement abordées les questions liées aux droits sexuels et reproductifs, à l’accès aux services de santé, la loi, les droits et protection contre les VBG, les MGF. Est aussi mis en avant le droit de changer de spécialistes si elle ou il ne nous convient pas, ne répond pas à nos attentes ou besoins.

Recourir à une méthode participative

La démarche consiste à construire des connaissances collectives à partir des connaissances individuelles.

“Que représente le mot sexualité pour nous, quelles idées nous viennent ? Quelles sont les normes sociales fondées sur le genre relatives au corps et à la sexualité des hommes et des femmes ? Que peut-on en apprendre ? Qui nous l’enseigne ?”

L’éducation sexuelle de leurs enfants, filles et garçons, constitue une motivation supplémentaire pour les femmes.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Défis à relever

La situation de vulnérabilité et de précarité des femmes

Il est important de garder à l’esprit les histoires et situations difficiles dans lesquelles les femmes s’inscrivent notamment le fait qu’elles soient victimes d’autres VBG tels que les mariages forcés, violences conjugales, la traite des femmes à des fin d’exploitation sexuelle, la violence sexuelle. Ils s’imposent comme obstacles à la mise en pratique dans leur vie des connaissances et réflexions acquises. L’accès à l’information ne garantit pas toujours la possibilité d’action.

Difficultés à trouver des moyens pour travailler en coopération plus étroite avec des femmes leaders africaines 

Ces femmes jouent un rôle clé dans la défense des droits humains et des droits des femmes, et œuvrent aussi à combattre les MGF en Espagne, il est, en conséquence, très important de les impliquer afin de toucher davantage de femmes concernées par les MGF.

Renforcer le travail et la sensibilisation des hommes

Il ne faut pas oublier les hommes qui doivent aussi être sensibilisés à cette problématique. Néanmoins, il n’est pas facile d’organiser des ateliers sur les droits sexuels et reproductifs avec les hommes, le sujet étant tabou ou considéré comme n’étant “pas leur problème”.

Manque de “lunette de genre” des professionnels 

Certains comportements de professionnel.le.s se détachent encore des stéréotypes sur la sexualité et la culture affectant la prise en charge des femmes.

Le manque de ressources allouées par les acteurs publics est aussi un important problème. 

Les solutions envisageables pour surmonter ces défis

Premièrement, certains aspects du travail des OSC peuvent être améliorés. Favoriser et renforcer la coordination entre les différents acteurs et agents sociaux afin de travailler dans une perspective globale et à long terme permettrait ainsi de renforcer leur force d’action et l’impact de leur travail. De plus, cartographier les ressources disponibles afin de fournir des itinéraires possibles aux femmes leur permettrait de savoir où s’orienter en cas de besoin

Deuxièmement, il est important de travailler davantage au niveau communautaire et local et d’impliquer les membres des communautés concernées. En ce sens, il est nécessaire de donner plus de force aux leaders communautaires, respecter les délais et les processus et surtout d’être des alliés sur un pied d’égalité.

Troisièmement, adopter une approche de genre inter-culturelle est essentielle à la réussite. Sur le long terme, on peut espérer inclure dans les activités de plaidoyers une analyse de genre et une perspective féministe et ce à tous les niveaux d’éducation (y compris l’université). A court terme, il est important de se concentrer sur la formation des professionnel.le.s avec une perspective de genre pour prévenir les MGF tout en le liant avec les stratégies de prévention d’autres VBG et d’améliorer leurs capacités de communication inter-culturelles.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas refaire ?

Les modalités d’organisation des ateliers que nous sommes en mesure de tenir sont à prendre en considération. Par exemple, l’UNAF conduisait une activité ponctuelle en coordination avec une autre ONG ou association réunissant un groupe de femmes ou d’hommes, pendant 2-3 heures. L’UNAF suggère de ne pas travailler avec des groupes mixtes, de femmes et d’hommes en même temps. Ils ont essayé de le faire, parce qu’ils ne voulaient exclure personne, mais les hommes ont finalement quitté l’atelier en plein milieu… 

Il est également important que les femmes du même groupe partagent une situation sociale similaire. Ils ont parfois réalisé des ateliers où des femmes souffraient de traumatismes (arrivée récente par bateau, victime de plusieurs violences sexuelles ou de trafic…) et ce fut difficile à gérer. Les ateliers s’achevaient avec le sentiment de ne pas avoir pu donner le soutien et l’information nécessaire à qui que ce soit.

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