Les constats lors du dernier Dialogue International des Parties Prenantes étaient clairs : les participant.e.s à l’ISD ont élaboré une série de recommandations afin de combler les lacunes et relever les défis identifiés et de promouvoir la mise en œuvre d’approches transformatrices de genre pour mettre fin aux MGF et la question du financement était centrale, voir cruciale pour ces acteurs et les actrices de terrain. En effet, les recommandations à l’endroit des bailleurs et les bailleuses de fonds et les donateur.rice.s faisaient état de la nécessité de financement supplémentaire des actions sur les MGF. Les acteurs et actrices de terrain faisaient écho du fait que cette nécessité de financement supplémentaire serait un des moyens pour soutenir les efforts de plusieurs années qui de plus en plus sont menacées du fait de la baisse des actions sur le terrain par manque de financement d’une part, mais aussi, du fait de travailler sur des approches beaucoup plus durables. Il a été dit lors de cet ISD que le temps et l’échelle de financement fournis doivent être adéquats pour atteindre les objectifs de transformation du genre.
Les mutilations génitales féminines (MGF) continuent de menacer la santé et le bien-être de millions de filles dans le monde, approfondissant ainsi les inégalités entre les filles et les garçons et les normes discriminatoires qui touchent les filles (UNICEF, 2016). Pour rappel, plus de 200 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui ont subi des MGF dans 31 pays, et 68 millions de femmes et de filles supplémentaires sont menacées d’ici 2030 (bases de données mondiales de l’UNICEF, 2022) .
Certes, des progrès sont réalisés dans l’élimination des pratiques néfastes, telles que les mutilations génitales féminines qui est une cible de l’objectif de développement durable (ODD) 5.3. Aujourd’hui, les filles sont environ un tiers moins susceptible d’être soumises aux MGF qu’il y a 30 ans, et 7 filles et femmes sur 10 dans les pays touchés par les MGF s’opposent à cette pratique, on note ainsi des progrès réalisés (UNICEF, 2020 ; UNFPA et UNICEF, 2021).
Bien que des changements soient en cours, les progrès vers l’élimination, des MGF ne sont pas universels et pas assez rapides. Dans les pays où ces pratiques sont devenues moins courantes, les progrès devraient être au moins 10 fois plus rapides pour les MGF afin d’atteindre l’objectif de l’ODD d’éliminer les MGF d’ici 2030 (UNICEF, 2021e).
En outre, les impacts de la COVID-19 menacent de faire reculer les efforts mondiaux visant à éliminer les MGF. Les conséquences n’ont pas seulement creusé davantage les inégalités entre les filles et les garçons, économiques et les risques sanitaires encourus par les filles et les femmes, mais ont également perturbé les programmes de prévention, ce qui pourrait conduire à ce que 2 millions de filles supplémentaires soient exposées aux MGF entre 2020 et 2030 (UNFPA, 2020).
Par ailleurs, les autres tendances qui ont affecté et entravent les efforts visant à mettre fin aux pratiques néfastes, citons l’évolution démographique, les crises humanitaires découlant du changement climatique et les conflits violents, qui ont tous des implications sociales, politiques et économiques affectant de manière disproportionnée les femmes et les filles.
Comme mentionné plus haut, l’une des plus grandes préoccupations est l’augmentation du financement.
En effet, un financement est nécessaire de toute urgence pour soutenir la mise en œuvre de programmes pour mettre fin aux MGF et promouvoir des changements positifs dans les normes sociales et de genre qui soutiennent les pratiques néfastes (ONU Femmes, 2021a ; b). On observe donc que les tentatives pour réduire le manque de financement ne se sont pas concentrées sur les pratiques néfastes et, même lorsque des fonds sont mis de côté pour mettre fin aux MGF, ils sont le plus souvent insuffisants, à court terme et incohérents ne permettant pas ainsi de travailler de manière durable et de s’inscrire dans une transformation des normes sociales et des normes de genre.
En outre, un examen des plans de développement nationaux et des examens nationaux volontaires suggère que l’ODD 5.3 n’a pas été chiffré au niveau national, d’où la raison pour laquelle il n’y a pas de budget adéquat. La raison pour laquelle il n’existe pas d’enveloppe d’investissement, d’investissement national adéquat pour mettre fin aux pratiques en place.
Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont tous les deux tenté d’évaluer le coût de l’éradication des MGF. L’UNFPA estime que l’élimination des mutilations génitales féminines d’ici 2030 dans 31 pays prioritaires nécessite des investissements d’un montant total de 2,1 milliards de dollars US.
Atteindre les 17 objectifs de développement durable (ODD), convenus en 2015, d’ici à 2030 nécessite une meilleure utilisation plus efficace et efficiente des ressources existantes mais aussi, la mobilisation de ressources (financières) supplémentaires, des sources traditionnelles et nouvelles.
En 2021, l’OCDE a également estimé que pour que les pays à revenu faible et moyen atteignent les ODD, il faudrait 2,5 milliards de dollars supplémentaires par an. Sans pour autant oublier les effets de la pandémie de COVID-19 (en 2020 et 2021), ainsi que ceux du conflit en cours en Ukraine (en 2022) qui ont très probablement aggravé le déficit financier. En réponse à ces crises, on observe que les gouvernements nationaux du monde entier ont été contraints de réaffecter des ressources à des dépenses supplémentaires en matière de santé et de protection/assistance sociale, souvent dans leur pays d’origine.
La sauvegarde et le cantonnement des ressources existantes, tout en assurant un financement supplémentaire, sont une priorité pour les organisations internationales. La mobilisation du financement privé pour le développement international est donc nécessaire pour combler le manque de financement existant et croissant. Il devient nécessaire et urgent de mobiliser des fonds privés pour le développement international afin de combler ce manque de financement existant et croissant : c’est dans cette logique que les financements innovants/alternatifs peuvent jouer un rôle important.
Ainsi, la recherche de nouveaux instruments de financements pour le financement des acteurs et actrices de terrain qui mènent des actions pour mettre fin aux MGF devient donc indispensable mais elle ne devra évidemment pas se substituer aux financements traditionnels.
C’est dans cette logique les institutions internationales s’inscrivent et appellent déjà depuis quelques années à mobiliser d’autres sources de financement. On parle alors de financement innovant : il représente des approches et des mécanismes de financement qui permettent de mobiliser des ressources supplémentaires par le biais de nouveaux instruments et mécanismes de financement, ou de les utiliser d’une manière nouvelle ; une meilleure utilisation des ressources traditionnelles par un déploiement plus efficace et efficient : qu’en est-il des pratiques néfaste telles que MGF ?
– Selon vous qu’est-ce qu’un financement innovant ? En avez-vous déjà entendu parler ? Comment il se matérialise ?
– Pensez-vous qu’il peut être mobiliser pour faire face à la difficulté de financement auxquels sont confrontés les acteurs et actrices du secteur MGF ?
– Dans quelles mesures pouvons-nous faire appel à ce type de financement pour la mise en œuvre d’approches nouvelles et novatrices, y compris les approches transformatrices de genre, pour mettre fin aux MGF ?