MGF dans des contextes humanitaires et de crise

Défis rencontrés par les acteurs pendant la crise

 

Les participant.e.s au dialogue des parties prenantes sur les mutilations génitales féminines dans les contextes humanitaires et de crise ont identifié les défis auxquels ils/elles sont confronté.e.s lors de la mise en œuvre de la prévention et des soins des MGF dans de tels contextes.

De nombreuses organisations ont observé que le travail qu’elles entreprennent habituellement – lorsqu’il n’y a pas de crise – ralentissait ou était interrompu lors d’une situation humanitaire ou d’un autre type de crise. L’une des raisons est le manque de financement qui est canalisé ou réorienté vers des questions plus urgentes. Les participant.e.s ont également constaté que le suivi de leur travail est rendu de plus en plus difficile lorsqu’ils/elles opèrent dans un contexte d’urgence telle que des perturbations institutionnelles et sociales, la pauvreté, la pénurie alimentaire et les déplacements de population, et lorsque que les partenariats existants entre les acteurs.rices travaillant sur le terrain sont difficiles à maintenir.

En outre, les situations de crise prolongées compromettent la possibilité d’établir une planification et une budgétisation pluriannuelles, car les besoins immédiats de la population sont la priorité absolue.

Il en résulte des progrès extrêmement lents pour l’abandon des MGF dans les pays fragiles souffrant de situations de crise à long terme.

La Somalie détient le record de la plus forte prévalence de MGF dans le monde depuis 1993. Malheureusement, la pratique n’a pas sensiblement diminué depuis lors, si on la compare au rythme d’abandon des MGF dans les pays plus stables. (28 de trop, 2014)

 

Travailler dans le domaine du développement ou de l’aide humanitaire

Lorsqu’une crise frappe dans un pays par ailleurs stable, les acteurs travaillant au développement et à la coopération en vue de l’abolition des MGF n’ont souvent pas les moyens ou la capacité de travailler dans de tels contextes, qui exigent une planification et une réponse alternatives. Nous l’avons vu avec l’interruption des interventions de prévention des MGF causée dans le monde entier par la pandémie COVID-19. En conséquence, deux millions de filles supplémentaires pourraient être soumises à des MGF. (UNFPA-UNICEF, 2020)

D’autre part, le personnel travaillant dans le secteur humanitaire n’est souvent pas sensibilisé à l’importance de la prévention des MGF et ne donne pas la priorité à la fourniture de soins spécifiques aux survivantes de MGF. Le personnel humanitaire n’est pas toujours conscient du fait qu’une crise peut potentiellement accroître la pratique des MGF. En fait, beaucoup n’envisagent cette question qu’à la lumière d’une pratique traditionnelle néfaste vieille de plusieurs siècles, profondément enracinée dans la culture et les normes sociales genrées. Le mandat du personnel humanitaire couvre les situations à court terme et les besoins immédiats, tandis que les MGF sont considérées comme une question à traiter à des stades ultérieurs, lorsque les communautés se sont remises de la crise. En fait, les processus à long terme de changement de comportement et de sensibilisation, ainsi que la fourniture de soins à long terme, ne sont pas perçus comme une compétence des acteurs humanitaires, qui s’attachent principalement à répondre aux besoins immédiats de la population touchée par la crise par une intervention rapide et limitée dans le temps. Ainsi, alors que la fourniture de services de santé sexuelle et reproductive et la prévention de la violence sexiste font généralement partie de la réponse humanitaire, les MGF ne sont souvent pas incluses.

Les parties prenantes ont souligné que dans les différents groupes, ou groupes d’activités, organisés au cours d’une réponse humanitaire, le “groupe de protection” et le “groupe de santé” devraient logiquement couvrir les MGF. Alors que le “cluster protection” inclut la violence basée sur le genre (GBV), les interventions se concentrent principalement sur les abus physiques et la violence se produisant au moment de la crise. Les questions telles que les MGF, qui nécessitent un changement de norme sociale à long terme, ne sont généralement pas incluses dans le “groupe de protection”. De même, le “groupe santé” se concentre sur les conditions d’urgence et de survie. Les soins holistiques aux survivantes de MGF ne sont donc pas prioritaires.

Le Yémen a été confronté à l’une des pires crises humanitaires au monde au cours des dix dernières années. Bien que le mariage des enfants et les MGF soient une norme sociale dans le pays, les droits de l’homme et les droits des femmes en particulier sont considérés comme une priorité secondaire par les gouvernements et les donateurs, qui consacrent toutes leurs ressources à la réponse à la crise. Comme il n’existe pas de données récentes sur les MGF (la dernière date de 2013), les organisations de défense des droits des femmes ont dû réorienter leurs activités vers le secteur humanitaire, car leurs domaines thématiques ne sont pas financés. (Saoussen Ben Cheikh, Internews, lors du dialogue avec les parties prenantes)

 

Déconnexion des acteurs locaux et manque de données sur les MGF

Les parties prenantes travaillant sur la prévention et la lutte contre les MGF ont souligné à plusieurs reprises l’importance de travailler avec les communautés touchées. Malheureusement, la nature de la réponse humanitaire ne permet pas souvent aux acteurs.rices de se mettre en relation avec les parties prenantes et les communautés locales. En effet, les acteurs.rices humanitaires se trouvent généralement dans une communauté spécifique pour une période limitée et concentrent leur attention sur la réponse à l’urgence.

Enfin, le manque de données sur les MGF est l’un des problèmes soulignés par les participant.e.s au dialogue des parties prenantes. La perturbation générale des institutions et des services pendant les situations d’urgence, associée aux déplacements de population, rend extrêmement difficile la collecte et le suivi des données dans les contextes humanitaires, en particulier sur des questions telles que les MGF et d’autres types de violence liée au genre. La collecte de données est particulièrement compliquée lorsque les acteurs humanitaires ne travaillent pas avec les parties prenantes locales. En outre, les systèmes d’information sanitaire gouvernementaux n’incluent que rarement les MGF dans leurs indicateurs dans les contextes humanitaires. 

Le format long du rapport sur les MGF dans les contextes humanitaires peut être consulté ici.

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