ANALYSE DU RAPPORT UNICEF 2024 : Médicalisation des MGF

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Médicalisation des MGF

La médicalisation des MGF se réfère aux « situations où ces mutilations sont pratiquées par tout·e professionnel·le de santé, que ce soit dans un dispensaire public ou privé, à domicile ou ailleurs » (Organisation mondiale de la Santé, 2010). Cela inclut les médecins, assistant·es médicaux·ales, clinicien·nes, infirmier·ères, sages-femmes, accoucheur·euses traditionnels·ales formé·es et tout autre personnel responsable de la prestation de soins de santé à la population dans les secteurs public et privé, ainsi que les professionnel·les de santé retraité·es qui continuent à pratiquer les MGF (ibid., 2010).

Le rapport de l’UNICEF met en lumière les observations de terrain issues des discussions au sein de la CoP MGF, en particulier sur le thème de la MÉDICALISATION DES MUTILATIONS GÉNITALES FÉMININES en 2020, qui a noté une tendance croissante à la médicalisation des MGF.

Malgré une condamnation mondiale, la médicalisation des mutilations génitales féminines demeure une problématique importante. Cette procédure est perçue comme un moyen de légitimer la pratique des MGF, bien qu’elle n’en atténue pas les effets néfastes. Les données montrent que la médicalisation est répandue dans des pays comme le Soudan et l’Égypte, où des praticien·nes de santé (médecins et infirmier·ères) sont impliqué·es, tandis que dans la plupart des autres pays, les pratiques traditionnelles restent la norme.

Le graphique suivant illustre la répartition en pourcentage des filles âgées de 10 à 14 ans (ou de 15 à 19 ans en Indonésie) ayant subi des mutilations génitales féminines, selon le type de praticien·ne impliqué·e. Ces données mettent en évidence les variations dans le rôle des professionnel·les de santé et des praticien·nes traditionnels·ales à travers différents pays, éclairant ainsi l’étendue de la médicalisation des MGF dans certaines régions par rapport à la persistance des pratiques traditionnelles dans d’autres. Cette distinction est cruciale pour comprendre à la fois la prévalence des MGF et l’influence des professionnel·les de santé dans ce processus.

Rapport UNICEF, (2024)

 

Le récent rapport de l’UNICEF, ainsi que les contributions de divers·es expert·es, mettent en lumière la complexité de la médicalisation. Evelyn Chioma Joseph, responsable de programme à la Society for the Improvement of Rural People dans l’État d’Enugu, au Nigeria, a noté que dans sa région, les travailleur·euses de la santé manquent parfois de connaissances sur les diverses formes de MGF qu’elles·ils peuvent soutenir involontairement, telles que l’utilisation de certaines substances sur les organes génitaux des filles ou des procédures comme les « points du mari » après un accouchement. Pour combler ce manque de connaissances, l’équipe d’Evelyn organise des programmes de sensibilisation ciblant les prestataires de soins, leur permettant d’identifier et de résister à toute forme de médicalisation des MGF. Les stratégies clés incluent une communication centrée sur la personne et une éducation

juridique dans le cadre de la loi nigériane sur la prohibition des violences contre les personnes (VAPP), qui se sont révélées efficaces pour transformer les prestataires de soins en allié·es dans la lutte contre les MGF.

De même, la Dre. Rania Abdalla Abu Elhassan, directrice du soutien et du développement MA au bureau régional pour le monde arabe de l’IPPF, a souligné l’engagement mondial de l’IPPF pour l’élimination des MGF, y compris leur médicalisation. En Mauritanie, l’IPPF gère un Centre d’excellence pour l’élimination des MGF, qui sert de centre de ressources fournissant des orientations techniques et des formations aux associations membres du monde entier. Grâce à des collaborations avec des institutions de santé et des parties prenantes communautaires, l’IPPF donne la priorité au renforcement des capacités des prestataires de soins de santé, leur fournissant les connaissances et les compétences nécessaires pour rejeter les demandes de MGF et plaider contre leur médicalisation.

La prévalence des MGF médicalisées dans des régions comme Enugu et à travers le réseau de l’IPPF souligne l’importance des efforts coordonnés combinant plaidoyer local, application de la loi et éducation complète. S’attaquer à la médicalisation nécessite non seulement des interdictions juridiques, mais aussi une formation continue des professionnel·les de santé pour démanteler les idées fausses selon lesquelles les MGF médicalisées seraient plus sûres ou acceptables. Les expériences partagées par Evelyn Chioma Joseph et la Dre. Rania Abdalla Abu Elhassan renforcent la nécessité d’un engagement persistant et multi-niveaux pour garantir que les systèmes de santé contribuent à l’éradication des MGF plutôt qu’à leur perpétuation.

La médicalisation des MGF représente un obstacle majeur aux efforts mondiaux visant à éradiquer cette pratique d’ici 2030. Bien que cette pratique puisse sembler plus sûre lorsqu’elle est réalisée par des professionnel·les de santé, elle continue de causer des torts importants à des millions de filles et de femmes, perpétuant les inégalités de genre et violant les droits humains. Pour éradiquer les MGF, les pays doivent renforcer leurs cadres juridiques, sensibiliser les communautés à ses conséquences néfastes et veiller à ce que les professionnel·les de santé contribuent à la solution plutôt qu’au problème. Les organisations internationales jouent un rôle crucial dans la conduite de ces initiatives, mais des progrès significatifs nécessiteront des actions et des efforts coordonnés entre les gouvernements locaux et les parties prenantes internationales.

Références
  • UNICEF (2024). Global Report on Female Genital Mutilation: New Data and Progress Analysis. UNICEF. Availabe here