Travailler avec les exciseuses est fondamental pour mettre fin aux MGF en Sierra Leone
“Je m’appelle Rugiatu Neneh Turay, je suis la fondatrice et directrice du Amazonian Initiative Movement (AIM), une organisation locale qui oeuvre pour l’abolition des MGF au sein de la culture ‘bondo’.”
L’AIM a été fondée le 10 novembre 2000 à Conakry, en Guinée, pour lutter contre l’injustice dont sont victimes les femmes et les jeunes filles en raison de leur genre. Leur stratégie consiste à adopter une approche holistique, en travaillant à la fois avec les communautés pour changer leurs mentalités et avec les dirigeants pour formuler et faire appliquer les lois.
“Nous organisons des ateliers communautaires, des dialogues inter-générationnels, des ateliers sur l’égalité des sexes et la violence et des rites de passage alternatifs. Notre approche place les “soweis”, les femmes qui pratiquent les MGF, au centre. Nous avons créé des écoles où les MGF et autres questions relatives aux droits humains sont enseignées et nous avons créé des cours d’alphabétisation pour adultes à l’intention des exciseuses, où elles sont formées à la prise de parole en public et aux rites de passage alternatifs. En 2019, nous avons introduit les rites de passage alternatifs comme stratégie pour la toute première fois en Sierra Leone”.
Selon Mme Rugiatu, il est fondamental de travailler avec les exciseuses pour changer leur mentalité afin de mettre fin aux MGF pratiquées sur les femmes et les filles dans sa région.
“Dans nos communautés, ces femmes ont été conditionnées à croire aux mythes qui entourent le clitoris. Elles pensent que si elles arrêtent d’exciser le clitoris, les mauvais esprits les attaqueront et les tueront. Ces mythes et bien d’autres encore sont ce que nous essayons de démystifier”.
En Sierra Leone, les Soweis pratiquent les MGF entre autres pour gagner de l’argent. Ainsi, Rugiatu est très favorable à l’idée de travailler avec elles et leur donner un “nouveau but dans leur vie”.
Les rites de passage alternatifs organisés par l’AIM sont différents des rites alternatifs dans d’autres communautés, car menés par les exciseuses elles-mêmes.
Une stratégie qui apporte de bons résultats en Sierra Leone
Jusqu’à présent, le travail effectué par l’AIM avec les exciseuses donne de bons résultats.
“Les communautés avec lesquelles nous travaillons, ainsi que les communautés voisines, changent radicalement d’avis et la prévalence des MGF est en baisse. Les communautés acceptent la stratégie et changent leurs attitudes au sujet de la tradition de l’excision du clitoris”.
Rugiatu pense que les raisons de ce succès peuvent être trouvées dans le fait que la stratégie d’AIM est orientée vers la communauté et implique tous ses membres, dont les soweis, et d’autres hommes et femmes important.e.s de la communauté. “Toutes celles et tous ceux qui s’occupent de l’initiation des jeunes filles continuent à participer aux rites de passage alternatifs. La joie autour des initiations continue toujours, mais sans l’excision, et sans perte de revenus pour les personnes concernées. C’est un changement historique pour la Sierra Leone où tant de gens croient qu’il n’est pas possible de mettre fin aux MGF”.
Aujourd’hui, la méthode est applaudie et acceptée même par ceux et celles qui pensaient au départ que les motifs de l’AIM étaient de “détruire la tradition” ou qu’ils/elles avaient été “payés par des occidentaux (blancs)”. Rugiatu estime que cette méthode est acceptée ou en tout cas rencontre peu de résistance de la part des communautés en Sierra Leone.